Trin trin trin…..
5h45 : le réveil sonne, impossible de se lever, et pourtant il le faut. Installé confortablement à 50-60cm, je l’entends raisonner de très loin ; et plus je revenais à moi, plus il devenait fort. Je l’avais programmé de façon graduelle pour éviter les réveils en sursaut ; jusqu’ici ça toujours bien fonctionné (Faut croire que les chintok marchent bien quelques fois). Il se déroule une lutte acharnée en mon fond intérieur : d’un côté Emile, le poisseux, pour qui une grasse matinée serait bien méritée, en cette période de doux harmattan, ou chaque réveil est un calvaire, tellement la nuit est agréable et courte ; celui-là, il a été marqué par le saut indélébile de la paresse. D’autre part il y a Emile, le vaillant, le plus consciencieux des deux, le plus réfléchi ; Il sait que ces moments sont tout à la fois importants et éphémères. Il est donc raisonnable de braver cet état de somnolence, de paresse pour s’accrocher à son quotidien, vaquer à ses occupations.
L’Emile, comme d’habitude finit par prendre le dessus, parce que de toute façon maman fini par arriver à temps pour mettre fin à ce contentieux « sommeilleux » ; et puis de toute façon les cocoricos de l’ «alpha» de la basse-cour du voisin fini par s’en mêler.
Et voilà, je suis debout, tant bien que mal, la tête un peu dans les nuages, les cheveux ébouriffés (oups ! j’en ai pas…). Eh merde…! La douche est occupée- il y en a en fait qu’une seule, et comme j’ai cinq frères et sœurs, il faut chaque matin user de ruse de toutes sortes – Je suis mal, très mal ; je me dis que j’aurais pu rester au lit encore 5-10 minutes de plus, histoire que la douche ne se libère quoi… ! Le temps passe, très vite, trop vite d’ailleurs, toujours au lit, je réfléchissais à mon engagement de tous les matins, juste après le trin trin du réveil: abandonner ces soirées cinéma improvisées qui me maintiennent éveillé jusqu’à très tard dans la nuit, et qui nuisent à ma productivité de la journée.
On est vendredi, je suis debout depuis maintenant sept minutes, assis sur mon lit, les yeux encore à moitié fermés (euh ouverts…), j’essaie de me rappeler ce rêve que je faisais et dont je n’arrive toujours pas à saisir la fin – je me trouvais dans un drôle de bâtiment, un bâtiment truffé de caméras, tout était silencieux, il y régnait un calme fou, une ambiance de cimetière ; la dame assise derrière un comptoir me fixais ; elle était d’un sérieux glacial, j’en avais la chair de poule (aidé surement par la climatisation). Un écran juste à côté diffusait un reportage sur le « Super Thursday » des USA. Quelques personnes traversaient le hall et je pouvais capter quelques mots en anglais (sans doute les réminiscences de mes cours d’anglais à la fac) ; bientôt la dame s’avançât vers moi d’un pas sûr, « c’est l’heure » : me dit-elle, « descendez au premier étage au sous-sol, c’est la salle sur votre gauche, c’est écrit ‘’gift room ‘’ » poursuivit-elle. J’étais timide, je sentais le froid de l’air conditionné me percer les poumons, mais j’étais solide et c’est comme ça que je rejoignis les escaliers. Et un, et deux, et trois, et cinquante-quatre…, je dévalais ces escaliers interminables, marche après marche, sans jamais atteindre la “gift room“. Je ne savais pas pourquoi j’étais là, et pourtant mon morale ne faiblissait point, j’étais déterminé. Pas question de retourner voir la dame du hall, je suis un grand garçon, mais surtout il était impensable d’affronter de nouveau sa tronche pleine de verrues. Et je descendais, encore et encore….. puis plus rien ! –
Je voulais croire que ce rêve n’étais que le fruit de mes remembrances, mais hélas, aucune de mes interprétations ne réussissaient à corroborer cela.
La douche n’est toujours pas libre. Lasse de toute réflexion, je partis consulter ma boite mails comme tous les matins. Et comme tous les matins, les newsletters, les nombreuses notifications de sites partenaires, programmes télé et bien d’autres infos d’actualité jonchaient mon coffret électronique. Entre deux notifications, je pouvais entrapercevoir le message de mon pote G (on l’appelait ainsi à cause de sa carrure Gargantuesque) qui me rappelait notre sortie de la soirée. Le dossier spam était plein, 512 messages y nageaient ; il faut dire que je m’y aventurais rarement. Subitement, un des derniers messages attira mon attention, l’adresse était celle de l’ambassade des USA à Lomé. Ça m’a tout de suite fais penser à ma candidature pour la bourse d’étude Fulbright qu’offre le gouvernement américain, dernière en date que je leur ai envoyé le mois passé. J’étais tout d’un coup encore mieux réveillé que tout à l’heure, mais je savais que toute cette agitation était vaine parce que de toutes les demandes de bourse que j’ai envoyées et que je continue d’envoyer d’ailleurs, aucune ne m’est jamais revenue positive (il faut dire que j’ai cette appréhension de vouloir renforcer ma formation initiale en agroalimentaire). Cette dernière réflexion a vite fais de me refroidir. Je cliquai néanmoins sur le message, sans la fougue d’il y a une minute : je devais être fixé.
”Emile Dzidjinyo, we have the pleasure of… . You will be subjected to a test …” : n’en croyant pas mes yeux, je relu le message une seconde fois puis une troisième fois. J’avais peur de faire une interprétation hâtive, comme ça m’arrivait très souvent. Par chance maman entra dans la chambre, avec l’intention de me réveiller ; elle me trouva assis, l’ordinateur sur les cuisses, les yeux grands ouverts, comme hébété. Je lui présentai le message qu’elle lut. Je pouvais apercevoir le sourire que ces lèvres fines (caractéristique des populations du sud du Burkina) esquissaient : il ne m’en fallait pas plus, j’étais fixé, je savais. Oh mon Dieu ! J’étais retenu, j’avais une chance, j’étais au firmament de mon excitation. Tout n’était pas encore fait, mais je pouvais me projeter dans les rues de Broadway, ou encore à Brooklyn, à Chinatown (c’était quelques-unes de mes références aux USA).
Bien sur la note disait encore que je devais être soumis à un test d’aptitude en anglais, ça devrait être une formalité surtout que les subtilités du dialecte d’“Oncle Trump“ ne m’échappaient que très peu.
Je rêvais, je divaguais, je faisais ce que Edgar Poe appelait un rêve dans un rêve, tout ceci n’étant que l’expression d’un espoir inouï, enfoui au plus profond de mon subconscient, celui de faire de grandes études: c’est fou hein!

Cette histoire a quand même le mérite de me permettre de postuler à la cinquième édition des loquaces de Mondoblog.
Quoiqu’il en soit, croisons les doigts, et PEACE AND LOVE ….